Mémoire de la Guilde canadienne des réalisateurs

Résumé analytique

Créée en 1962, la Guide canadienne des réalisateurs (GCR) est une organisation syndicale nationale qui représente plus de 3 800 responsables de la création et de la logistique appartenant à 47 catégories professionnelles dans l’industrie du cinéma, de la télévision et des médias numériques.

Alors que l’industrie du film et de la vidéo a connu une croissance remarquable au fil des ans, ce qui est attribuable dans une large mesure à la participation du gouvernement du Canada, certains facteurs ont récemment contribué à une conjoncture incertaine qui menace de compromettre les progrès enregistrés au fil des ans. Même si des signes de relance sont manifestes dans certains domaines, il est clair qu’un engagement renouvelé et vigoureux de la part du gouvernement fédéral s’impose si l’on veut que l’industrie connaisse la prospérité et apporte une contribution encore plus précieuse à l’avenir. Le secteur du cinéma, de la télévision et des médias numériques est un élément essentiel de l’économie de la création, de l’économie du savoir, de l’économie de l’avenir, et il mérite l’attention et le soutien accrus du gouvernement fédéral pour donner toute sa mesure à cet égard.

Ce mémoire présenté au Comité permanent des finances recommande donc vivement au gouvernement du canada de s’engager à prendre deux grandes mesures d’ordre fiscal : l’amélioration significative du régime fédéral de crédits d’impôt pour attiser les activités nationales de production et renforcer la capacité du Canada à attirer des activités de production de l’étranger; et la création d’un puissant instrument fiscal qui stimulera les investissements privés qui font cruellement défaut dans la production de films, d’émissions de télévision et de médias numériques. La Guilde recommande par ailleurs que le gouvernement s’engage à assurer le financement accru et à long terme de Radio-Canada/la CBC.

Ces recommandations sont formulées à l’intention du Comité permanent des finances dans l’espoir que celui-ci leur prêtera une oreille attentive et qu’elles retiendront l’attention des membres du Comité lorsqu’ils rédigeront leur rapport prébudgétaire 2011 à l’intention du Ministre des Finances.

Introduction

À la veille de son 50e anniversaire, la Guide canadienne des réalisateurs est une organisation syndicale nationale créée en 1962 pour défendre les intérêts des réalisateurs travaillant dans ce qui était alors une industrie du cinéma et de la télévision à peine naissante. Depuis cette date, la Guilde a pris de l’expansion pour représenter aujourd’hui plus de 3 800 responsables de la création et de la logistique appartenant à 47 catégories professionnelles participant à tous les éléments de la direction, de la conception, de la production et de l’édition dans l’industrie du cinéma, de la télévision et des médias numériques. La Guide administre des conventions collectives, elle gère un régime de retraite et un programme de santé et de bien-être à l’intention de ses membres et elle s’évertue à protéger et à défendre les intérêts de ses membres.

La Guilde s’emploie à favoriser un milieu de programmes et de politiques publiques propice à une industrie cinématographique dynamique. Conformément à ses initiatives de politique publique et au vu de sa participation de longue date aux délibérations annuelles prébudgétaires du Comité permanent des finances, la GCR se félicite à nouveau de l’occasion qui lui est donnée de présenter un mémoire au Comité et de comparaître devant lui à l’occasion des audiences consultatives de 2011.

Le secteur du cinéma, de la télévision et des médias numériques

Les arts et la culture représentent 46 milliards de dollars dans l’économie canadienne et procurent plus de 640 000 emplois, ce qui fait que ce secteur est plus important que les secteurs confondus de l’assurance et des forêts au Canada. Collectivement, avec des entrées directes, indirectes et induites, le secteur culturel a contribué plus de 84 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada en 2007[1].

L’industrie cinématographique (film, télévision et médias numériques) est un volet important du secteur culturel dans son ensemble. En 2009-2010, le cinéma et la télévision au Canada ont atteint un volume de production qui approche les 5 milliards de dollars. L’industrie est une importante source d’emplois, qui crée environ 117 200 emplois à plein temps à travers le Canada, à la fois directement dans la production de films et d’émissions de télévision ainsi que des emplois secondaires dans d’autres secteurs de l’économie canadienne. Cet effet d’entraînement, qui résulte de l’achat de biens et de services par l’industrie de la production à d’autres secteurs ainsi que de l’activité économique qui résulte de la nouvelle dépense des recettes et des bénéfices, a abouti à un secteur du cinéma et de la télévision qui a contribué un peu plus de 6,8 milliards de dollars au PIB du Canada en 2009-2010[2].

Et le secteur culturel dans son ensemble et l’industrie cinématographique ont connu une croissance remarquable au cours des dernières décennies. La trame culturelle du pays s’en trouve enrichie et plus forte alors que les avantages matériels – les contributions du secteur à l’emploi et à l’économie – sont tout aussi impressionnants. Toutefois, cette croissance n’est pas seulement le fait de causes naturelles. Au fil des ans, le gouvernement fédéral a délibérément et systématiquement mis en place un ensemble considérable de politiques et de programmes conçus pour stimuler cette croissance et ce développement. Dans l’espoir louable qu’il est dans l’intérêt national du Canada de connaître une vie culturelle dynamique, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont engagé des investissements stratégiques soutenus dans le secteur culturel en général et, ce qui présente un intérêt tout particulier pour ce mémoire, dans la production de films, d’émissions de télévision et de médias numériques en particulier.

Les politiques et les programmes fédéraux dont le but est d’encourager la production dans ce secteur n’ont toutefois pas toujours suivi une trajectoire stable et droite au fil des ans, et l’expérience récente souligne le besoin d’une participation soutenue, prévisible et renforcée du gouvernement du Canada. Cette industrie peut miser sur sa croissance et son développement passés et jouer un rôle encore plus grand dans l’économie du savoir de l’avenir, mais une industrie à plein temps a besoin d’activités de production à plein temps et d’emplois à plein temps. Pour que l’industrie de l’écran atteigne cet objectif et réalise tout son potentiel, il existe un besoin urgent pour le gouvernement fédéral de rafraîchir et de renforcer son inventaire de politiques et de programmes utiles et de prendre un nouvel engagement à l’égard de ce secteur important de l’activité culturelle et économique.

Comment assurer la relance soutenue de l’économie

Le gouvernement fédéral peut maintenir le Canada sur la voie de la relance soutenue de l’économie en investissant constamment dans les industries qui ont des retombées directes et indirectes précieuses pour la croissance de l’économie. Nous souscrivons sans réserve aux propos du ministre Moore lorsqu’il déclare : « investir dans les arts et la culture et appuyer l’économie de la création consiste à soutenir l’économie dans son ensemble »[3]. Les artistes sont les entrepreneurs de l’économie de la création et leur capacité d’innovation et d’adaptation à l’évolution des marchés et des modèles fonctionnels en fait d’importants contributeurs à l’économie nationale et mondiale.

Le gouvernement a à sa disposition un certain nombre de moyens pour appuyer le secteur audiovisuel au Canada. Le mesures stratégiques et législatives comme la législation sur le droit d’auteur, la négociation (ou la renégociation) des traités internationaux de coproduction du Canada et une stratégie numérique nationale exhaustive reconnaissant l’importance de la création des contenus sont autant d’outils efficaces pour l’industrie, et la GCR se félicite de constater l’engagement du gouvernement actuel à l’égard de telles initiatives. Ce qui présente plus d’utilité pour ce mémoire, ce sont les affectations budgétaires et les politiques fiscales, qui sont également des outils éminemment efficaces qui stimulent la croissance de cette industrie.

La GCR comprend qu’en une période de compressions fiscales, des augmentations généralisées des enveloppes budgétaires pour les organismes de financement de l’industrie cinématographique sont à écarter. Néanmoins, nous prions instamment le gouvernement de limiter les coupures qu’il pratique dans les enveloppes d’organismes qui n’ont déjà plus que la peau sur les os. L’aide du fédéral aux organismes canadiens de financement de l’audiovisuel comme la CMF et Téléfilm est restée stable depuis plusieurs années. Compte tenu des coûts sans cesse croissants de la production de programmes audiovisuels de grande qualité et de la demande accrue de fonds, toute diminution des aides fédérales aura des effets profondément délétères sur la production nationale de films, d’émissions de télévision et de médias numériques au Canada ainsi que sur les emplois que crée cette industrie.

Dans le cas de la CBC/Radio-Canada, il faut de toute urgence que le gouvernement augmente ses aides. La GCR appuie sans réserve la présence d’un service de radiodiffusion public puissant et dynamique pour le Canada. La CBC/Radio-Canada est un élément essentiel qui fait partie intégrante de notre réseau de radiodiffusion et elle offre une fenêtre importante sur l’expérience canadienne et l’expression créative du Canada. Depuis la création de la radiodiffusion dans ce pays, la CBC/Radio-Canada informe, divertit et éduque les Canadiens. Elle constitue une voie importante et parallèle dans notre paysage médiatique et doit continuer de le faire. Les défis et les faits nouveaux dans notre régime de radiodiffusion, notamment l’intense concentration des médias, les nouvelles plates-formes audiovisuelles et le morcellement constant des auditoires, militent en faveur d’un puissant service de radiodiffusion public pour le Canada.

Pour que la CBC/Radio-Canada s’acquitte de son mandat, comme le prescrit la Loi sur la radiodiffusion, il est essentiel qu’elle bénéficie d’un financement stable et accru de la part du gouvernement fédéral dès aujourd’hui et au cours des années à venir. Le niveau actuel de financement de la CBC et de Radio-Canada ne suffit pas pour permettre à ce radiodiffuseur public de s’acquitter intégralement de son vaste mandat.

Dans le milieu de la radiodiffusion qui évolue rapidement, la CBC a un rôle majeur à jouer dans l’économie de la création en concevant et en présentant des émissions canadiennes. Pour ce faire, elle doit être suffisamment financée par le gouvernement pour fonctionner à la manière d’un authentique radiodiffuseur public dynamique et puissant. Le financement de la CBC/Radio-Canada doit être suffisant pour lui permettre d’assumer ses principaux coûts, de préserver la qualité et de s’adapter aux circonstances qui changent.

La GCR prie instamment le Comité permanent de recommander que le budget fédéral à venir prévoie le financement stable et accru de la CBC au moins pendant les cinq prochaines années.

Comment créer des emplois durables et de qualité

La croissance rapide des technologies numériques et la demande accrue des consommateurs pour un contenu audiovisuel où et quand ils en veulent peuvent permettre de créer une foule de nouveaux emplois pour les Canadiens. Comme toujours, cependant, l’aide du gouvernement fédéral sera cruciale pour assurer la matérialisation de ces possibilités. Le soutien des productions dans l’industrie du film, de la télévision et des médias numériques contribuera à créer des emplois utiles. La politique fiscale fédérale est un instrument gouvernemental efficace pour un tel projet.

Les crédits d’impôt alimentent les activités de production, et ce, en proportion directe de leur vigueur et de leur portée. Depuis un an, les gouvernements de certaines provinces – en premier le Québec, puis l’Ontario, la Colombie-Britannique et ____________ – ont amélioré leurs régimes de crédits d’impôt. Cela a été un véritable pivot dans le processus de relance des productions à la fois nationales et étrangères, et, dans le cas de ces dernières, cela a même atténué l’impact jadis redoutable d’un dollar canadien parvenu à parité avec le dollar américain.

Malheureusement, le régime fédéral de crédits d’impôt administré par le ministère du Patrimoine canadien n’a pas tenu le rythme depuis quelques années, et il se limite aux coûts de main-d’œuvre qui se rattachent aux productions cinématographiques et télévisuelles nationales et étrangères. En outre, les deux crédits d’impôt fédéraux sont soumis à ce que l’on appelle une réduction de l’aide, qui réduit en fait le montant du crédit d’impôt fédéral accordé au producteur. Le résultat est que cela limite la contribution du fédéral aux coûts généraux et réduit ainsi la présence du fédéral dans ce domaine d’intervention important.

C’est pour cette raison que la GCR recommande aujourd’hui vivement au gouvernement fédéral d’améliorer de la même façon son régime de crédits d’impôt pour raffermir l’industrie du film à l’échelle nationale, assurer sa relance, garantir sa croissance et son développement futurs et contribuer à la création d’emplois dans ce secteur ainsi que d’emplois dérivés dans d’autres secteurs.

Comment garantir des taux d’imposition relativement bas

Une recommandation parallèle qui aura un impact profond et intéressant a trait au besoin de nettement augmenter les investissements dans la production de films, d’émissions télévisuelles et de médias numériques, qui est un secteur d’activité culturelle très insuffisamment pourvu en ressources.

La GCR reconnaît que, même en période d’abondance, il y a un plafond naturel aux investissements directs du fédéral dans l’industrie, et que nous sommes en ce moment en période de contraction. C’est pour cette raison que la Guilde recommande aussi vivement au gouvernement du Canada de créer un puissant stimulant fiscal pour encourager les investissements privés dans la production de films, d’émissions de télévision et de médias numériques. Un tel instrument attisera le regain d’activités de production non seulement au cours de la période de relance, mais à titre permanent.

Par ailleurs, une telle démarche présente l’avantage d’offrir aux investisseurs et aux entrepreneurs canadiens la possibilité d’alléger leur fardeau fiscal personnel tout en investissant dans une industrie qui, comme nous l’avons vu plus haut, apporte une contribution précieuse au PIB du Canada et stimule l’activité et les emplois dans d’autres secteurs de l’économie.

L’avenir

Compte tenu de tous les facteurs en jeu dans la conjoncture actuelle, l’industrie du film, de la télévision et des médias numériques se trouve à une étape cruciale de son évolution. Pour soutenir la croissance de l’industrie et veiller à ce que les progrès réalisés au fil des ans ne disparaissent pas, il faut que le gouvernement fédéral renouvelle son engagement à l’égard de ce secteur.

Recommandations

1. La Guilde recommande que le régime fédéral de crédits d’impôt soit nettement élargi pour inclure les coûts non salariaux pertinents et s’appliquer à tous les contenus audiovisuels linéaires, peu importe qu’ils soient destinés au cinéma, à la télévision ou aux appareils en ligne ou mobiles.

2. La Guilde recommande aussi la création d’un puissant stimulant fiscal pour encourager les investissements privés qui font cruellement défaut dans la production canadienne de films, d’émissions de télévision et de médias numériques.

3. La Guilde recommande que le budget fédéral à venir prévoie un engagement financier stable et accru de la CBC/Radio-Canada pendant au moins les cinq prochaines années.

Conclusion

Les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont admis que, si le Canada doit posséder l’industrie dynamique qu’elle mérite, son gouvernement doit jouer un rôle appréciable en encourageant la production de films, d’émissions de télévision et de médias numériques. Cette industrie est l’une des pierres angulaires de l’économie de la création, qui est l’économie de l’avenir, mais, si l’on veut que cette industrie ne se contente pas de survivre mais connaisse la prospérité, aujourd’hui et demain, le gouvernement fédéral doit miser sur ses investissements préalables et adopter les mesures recommandées ci-dessus pour encourager une industrie qui a autant de retombées culturelles, économiques et sur le plan de l’emploi pour le Canada et les Canadiens.

La GCR tient à remercier le Président et les membres du Comité permanent des finances de bien vouloir examiner les propositions de la Guilde, et du soutien qu’ils voudront bien accorder à ces recommandations dans leur rapport prébudgétaire au ministre des Finances.



[1] Valuing Culture: Measuring and Understanding Canada’s Creative Economy, Conference Board du Canada, août 2008.

[2] Profil 2010 : Rapport économique sur l’industrie de la production de contenu sur écran au Canada, publié par la CMPA et l’APFTQ, p. 6‑8.

[3] L’honorable James Moore, ministre du Patrimoine canadien, à l’émission Q Radio de la CBC, 12 juillet 2011.